En avant pour ce long trail, la mythique Course des géants, dénommée « la 6000D » en rapport à son dénivelé (3500m D+ / 3500m D-). L’idée émerge de ma tête l’hiver dernier avec l’envie de m’essayer à un nouveau format, beaucoup plus long qu’à mon habitude, afin de repousser mes propres limites. Après quelques discussions, Idris Abdoulhoussen, Quentin Didier et Allan Casteran se joindront au voyage pour aller chercher le tee-shirt Finisher au terme des 65km prévus pour cette édition 2018.
Tout commence le vendredi soir à 21h. Je prends le vol de Nantes seul en direction de l’aéroport de Genève pour y rejoindre mes 4 camarades qui, eux, partent de Bordeaux. En effet, nous serons 4 car Idris a convaincu Vanessa Boucheret de participer au format plus court la « 6D Lacs », 27km pour 1600m D+. Nous sommes motivés comme jamais pour découvrir cette très renommée course !
L’arrivée commune des 2 vols est prévue à 23h mais c’était sans compter sur un retard du vol des bordelais. Après plus de 45min d’attente à l’aéroport, les voici enfin sur le sol genevois. Dans l’attente, j’ai pu récupérer notre voiture de location, une Jeep Compass que le loueur nous a surclassé. Les blagues fusent déjà sur le parking où la voiture nous rappelle « Jurassic Park » 😊 En route pour la station « La Plagne », il convient de récupérer notre logement pour s’installer et préparer le départ de la course. Idris est au volant de la Jeep et on a déjà perdu les zizipotes Allan et Quentin tandis que Vanessa somnole à l’avant. Pour ma part, je reste éveillé à discuter avec Idris, d’une par solidarité, de deux parce que j’ai fait une sieste dans l’après-midi pour prévoir le manque de sommeil prévisible.
Nous arrivons vers 2h30 du matin au logement. La résidence est tout près du Pierre et vacances où nous avons pu récupérer les clés du logement. Une fois entrés, chacun choisit son lit et s’affaire à préparer sa course. Pour ma part, je n’envisage pas de dormir car le retrait des dossards est à 4h. Nous décidons communément de partir à 4h30. Je prends alors mon temps de préparer ma boisson énergisante, mon matériel, de prendre un léger petit-déjeuner et de m’habiller. J’aime bien prendre mon temps dans ces moments-là, j’arrive à faire le vide dans mes pensées et à me concentrer pour l’épreuve qui m’attend. Soudain, gros doute, j’ai oublié de mettre une paire de chaussettes dans ma valise ! Boulet… Par chance, Allan a une seconde paire à ma pointure, ouf !
A 4h45, nous décollons de l’appartement en direction d’Aime. Il faut redescendre la montagne pour aller chercher les dossards tout près du départ. Il ne reste plus beaucoup de dossards à retirer, nous sommes parmi les derniers. Ce n’est pas très grave, le départ est dans 45min soit à 6h du matin. Nos dossards sont installés, les Camel-back sur nos dos, la photo de départ où nous perdons Quentin qui est un peu tout fou ce matin et qui se rend compte soudainement que le dossard n’est pas le sien… On se rend dans le SAS de départ où il nous attend finalement. Je fais un rapide live pour rassurer notre entourage lorsqu’il se lèvera et c’est alors que le top départ est donné. En avant pour 65km de trail et une ascension jusqu’au plus haut sommet du coin ! Pour ma part, je n’ai pas d’objectif : simplement finir et vivre cette course en mode randonnée car j’ai déjà accumulé pas mal de distances depuis le mois d’Avril… je commence à sentir la fatigue.
Au bout de 25m, l’un de mes bâtons de marche tombe de mon sac, ça commence fort… Idris m’aide à le remettre sous les yeux de Vanessa puis nous repartons bon dernier. Le trail commence par 3km de plat dont une bonne partie de goudron pour sortir du village. En entamant les sentiers, le dénivelé apparaît petit à petit pour finalement commencer à former des lacets sur le flanc de la montagne. J’aime bien l’idée de ce départ permettant d’échauffer les muscles avant le gros effort. Nous rejoignons Allan et Quentin en zigzaguant dans la fin du peloton puis nous entamons l’ascension ensemble. Notre petit groupe de 4 est soudé, on rigole avec les gens car l’effort n’est pas intense et des ralentissements se font ressentir. Nous courrons en peloton jusqu’à la fameuse piste de bobsleigh située à 15km du départ. Sur notre route, nous traversons des villages où les gens sont déjà dans les rues pour nous encourager, tantôt avec des cloches à vache, tantôt en applaudissant et citant les prénoms inscrits sur le dossard des coureurs. A l’horizon, le soleil se lève au-dessus des montagnes tranquillement, nous permettant de distinguer toute cette magnifique vallée.
Nous arrivons au pied de la piste de bobsleigh, première étape de ce long périple. J’avais promis à la team de faire un live sur cette portion atypique (visible sur la fan page Facebook « Aroo OCR Crew »). En réalité, je ne la trouve pas très dure et je m’attendais à plus de pentes… Faut dire que l’école « Spartan Race » nous met à dure épreuve chaque fois… A l’arrivée de la montée, des dizaines de gens nous attendent pour nous encourager, les quelques mots des copains restés à la maison, nous motivent un peu plus encore et c’est alors que nous prenons la route vers le premier ravitaillement. C’est là que mes problèmes de ventre se déclenchent. J’ai une légère fringale et le premier gel me retourne le ventre. J’essaye d’être concentrer sur ma respiration pour me débarrasser de ce problème au plus vite… Après une longue ascension de plus en plus raide, je décide de manger du solide. Nous nous arrêtons au pied d’Aime 2000 près d’un poste de photographe pour admirer la vue et faire une photo avec le drapeau AROO. Le temps de faire le post Facebook rapidement et on repart. Quelques minutes plus tard, nous voilà sur le premier ravitaillement. Et quel ravito !
Au menu, tout est là : eau plate, Saint-Yorre, coca, Gatorade, oranges, bananes, pommes, abricots & raisins secs, TUCs, chocolat ; là rien à voir avec la Spartan Race d’Andorre où les ravitaillements ne nous proposent même pas à manger… Nous prenons le temps de bien nous alimenter et hydrater puis nous reprenons notre route en direction du glacier. De mon côté, mon ventre ne va pas mieux. Je contracte encore et encore les abdos et ferme la marche de notre petit groupe. Nous passons alors près de lacs très sympa et peu à peu prenons une altitude élevée que l’on ressent avec des difficultés à respirer : un parasite de plus sur notre parcours.
Après de multiples montées, nous nous arrêtons sur un petit plat pour nous réhydrater, relâcher la pression exercée sur les cuisses et prendre de nouvelles photos d’Aime 2000 que nous apercevons maintenant de très haut !
Au loin, je ne distingue qu’un seul sommet avec de la neige, c’est assurément le glacier. Quentin n’y croit pas, ça parait trop prêt en considérant qu’il reste encore 10km pour l’atteindre selon les parcours annoncés. Il s’apercevra quelques kilomètres plus tard que je n’avais pas tort 😊 En route, nous croisons un spartiate qui nous confie avoir déjà entendu parler de notre team et aimer les longues distances comme nous. Se retrouver entre spartiates sur d’autres courses, c’est toujours très sympa. Si tu lis cet article, n’hésite pas à nous faire signe !
Après d’ultimes ascensions, la première grosse descente s’offre à nous et nos corps l’acceptent mal. Allan et moi avons les jambes lactiques comme jamais. Difficile de courir, nous avons de mauvaises sensations. Idris et Quentin partent devant car ils veulent galoper un peu. Ça ne durera pas puisqu’ils finissent par s’arrêter pour se couvrir et nous les rejoindrons en courant. Pour ma part, c’est pause pipi face à la vallée, je vous avoue que c’est une sensation assez kiffante et je ne m’en suis pas privé 😊 On reprend vite notre route tous ensemble jusqu’au ravito au pied du glacier.
Là les choses se corsent… Les bénévoles nous annoncent la barrière horaire à 14h pour terminer le glacier… il est 11h47 à ma montre… Okay, faut pas traîner. Mais à ce moment-là, Allan n’est pas bien, son moral est au plus bas. Idris est parti à son rythme et nous promet de nous attendre à ce même ravito après le glacier (oui le parcours est une simple boucle à partir de ce ravito). L’abandon est envisagé par Allan, c’est trop dur, la fatigue s’accumule, il fait chaud, ses jambes sont lourdes et sa tête tourne. C’est à moment-là que je m’énerve (bon c’était pour le stimuler le loulou 😊, il en avait besoin) : T’ES PAS VENU LA POUR T’ARRÊTER DEVANT LA PLUS GROSSE DIFFICULTE DU PARCOURS MEC ! ALORS TU BAISSES LA TÊTE ET TU AVANCES ! METS-TOI A MON CUL ET SUIS MOI !
On entame l’ascension ainsi, tête baissée. Quentin est devant nous et hésite à nous attendre, il finira par partir… Moi hors de question. Je ne laisse pas Allan tout seul face à un échec qu’il regretterait assurément pendant longtemps… Je me dévoue car de toute façon, je m’étais promis de le faire en mode randonnée ce fichu trail ! L’ascension est de plus en plus raide, plus que je ne l’avais imaginé ! Heureusement que nous avons les bâtons car je poserai les mains par terre pour avancer. Allan fait grise mine mais monte en silence. Je l’encourage, il fait le job et ça c’est cool. Ses vertiges semblent disparaître, ce que nous croyons être une hypoglycémie, était en réalité un simple manque d’oxygène… J’ai moi-même des difficultés à respirer avec l’altitude… A ce moment-là, nous sommes à 2900m d’altitude environ. Il reste 100m maxi et j’avais promis à Julien Rabier de « C’est bien d’être bien » de lui filmer le glacier vu d’en haut ! Il ne sera pas déçu…
Je me fais surprendre par la tempête qui montait dans notre dos ! La pluie commence à tomber suivi presqu’aussitôt par la grêle et le vent glacial. Les images parlent d’elles-mêmes, je dois tenir mes bâtons, mes lunettes et ma casquette d’une main, le téléphone de l’autre… Je suis figé car je ne comprends pas ce qui arrive sur ce fichu sommet. On continue d’avancer car il n’y a que ça à faire… On passe devant le ravitaillement en eau où l’on doit se faire pointer par un bénévole. On passe sans s’arrêter puis on envisage de continuer notre route coûte que coûte. D’autres coureurs s’abritent sous une cabane en bois près du ravitaillement… Des bénévoles, eux, s’apprêtent à ranger les tonnelles pour se protéger de la foudre qui s’abat sur les flancs de la montagne.
Dans ma tête, une petite voix dit « Tu as voulu y monter au glacier, et bien t’y voilà ! Encore un défi de merde, ça t’apprendra à faire du zèle ! ». J’ai les images de la Spartan Race d’Ernée qui repassent dans ma tête… et je pense alors que j’ai des bâtons dans les mains. Au prix du matériel, c’est mort je ne les laisse pas. Je me dis alors que l’alu ne doit pas attirer aussi bien la foudre que les remontées mécaniques près desquelles nous courrons…
Nous entamons alors la descente. En bas, on distingue que la météo est plus clémente et le soleil pointe de nouveau son nez… Allan et moi galopons alors. Dans l’histoire, les jambes ont retrouvé 100% de fraîcheur car nos mains sont frigorifiées ! Rarement, je n’ai eu si froid aux mains de ma vie… Avec le vent fort, la sensation est horrible et je cours en agitant les bras pour faire circuler le sang. Dans une descente, je décide de couper un virage un peu plus court pour éviter un passage sur la neige qui ne m’inspire pas confiance. Beaucoup de coureurs galèrent à trouver l’adhérence dans cette portion dont Idris que j’aperçois de nouveau et Quentin également. Ce dernier, c’est la dernière fois que je le verrais dans la course… Idris cavale devant nous sans nous avoir remarqué. Allan est en feu dans la descente donc j’accélère afin qu’on rejoigne Idris. Le soleil nous accueille quelques mètres avant le ravito. Le temps pour moi de sortir mon téléphone pour refaire un live pour rassurer notre entourage après les avoir lâchés contre mon gré au sommet du glacier. Lorsque nous sommes arrivés au ravito, impossible de trouver Quentin. Celui-ci est parti devant et nous ne le reverrons plus. Il a déroulé sa course croyant qu’Idris était devant et a passé la ligne d’arrivée après 11h27 de course.
Notre petit groupe de 3 dévale la pente péniblement. Les corps sont marqués et nous avons passé la mi-course. Nous approchons du col de l’Arpette, dernière grosse ascension du parcours. Allan est au bord de la rupture. Etant en tête de file, j’adapte l’allure afin de le remotiver. J’ai les jambes qui s’engourdissent un peu donc j’accélère seul sur la crète du col pour me défouler un peu. Il reste 3km pour le prochain checkpoint et nous avons 25 minutes d’avance. Une course « contre-la-montre » s’engage pour passer la barrière horaire à temps. Il n’est plus question de marcher maintenant faut courir. Idris et moi imposons le rythme en essayant de ne pas aller trop vite. Finalement Allan n’arrive pas à s’arrêter dans la descente et cavale jusqu’en bas devant nous : bien minooot ! Derrière, nous assurons la barrière en gardant l’œil sur la montre. Le 3ème ravito pointe son nez, signe de barrière horaire. Mais les organisateurs ont positionné le contrôle APRES le ravitaillement. Ce qui nous laisse peu de temps pour se ravitailler. Seulement 4 minutes et paf, validation de la barrière, notre aventure se poursuit.
Nous sommes à La Plagne – Bellecôte et il faut redescendre jusqu’à Aime. Encore 25 km mine de rien. La prochaine barrière horaire est plus large, on en profite pour souffler un peu et laisser Allan se reposer. Au tour d’Idris d’avoir des douleurs au niveau du TFL… En marchant, nous prenons des chemins de randonnées qui serpentent entre forêts, ruisseaux et villages. Parfois, nous passons dans le centre de petits hameaux où les gens sont à l’apéro, en terrasse. Ceux-ci jouent bien le jeu de nous encourager et ça fait du bien. La journée commence à se faire longue pour tout le monde et les bénévoles apprécient de rires à nos blagues. On a besoin de blaguer parce que c’est long et mentalement, nous en avons besoin ! Plus que 2 km avant la prochaine barrière horaire, il reste 25 minutes. On est bien 😊 C’est alors que des motards nous rejoignent et nous informent que nous fermons la course. Personne derrière nous ne sera apte à arriver dans les temps. Bref, on est dernier quoi. Politiquement correct, ils nous appellent le « groupe étau » de quoi me rappeler que ce week-end c’est la fin du Tour de France. Ça m’occupe les pensées quelques instants. Nous entrons dans un énième village sous les applaudissements de plusieurs spectateurs et passons le contrôle avec 10 minutes d’avance : c’est la délivrance. Il n’y a plus de barrières horaires, vous serez donc FINISHER, messieurs !
YESSSS !!! Allan explose de joie, il l’a fait ! Ce fût dur mais il y est parvenu, il a fait le job ! Le 4ème et dernier ravito est cette fois-ci après le contrôle. Nous prenons bien le temps de nous alimenter pour les 10 derniers km. Les 10 km les plus long de la vie… d’abord une descente interminable (4/5km facile) puis un chemin alternant montées/descentes… Pendant le trajet, nous discutons avec d’autres groupes qui comme nous attendent avec impatience la fin. Chaque pas fait mal. Les pieds brûlent, mais il faut parcourir le chemin restant. Nous débarquons sur une piste cyclable, plus que 2,5km ! Idris veut courir, ça me va bien. On motive Allan et c’est alors que nous rentrons dans Aime en courant. Cela nous permet de doubler un bon nombre de participants plus usés que jamais. L’ambiance est bonne, tout le monde se motive et, nous encourageons Allan à ne pas lâcher le run. On a commencé la course en courant, on la termine en courant ! Haie d’honneur dans le centre-ville où les gens sont attablés aux restaurants, dernier village et enfin… la voilà : l’arche du départ que nous avons franchi ce matin. Elle est l’arrivée de la course… et nous la franchirons toujours en courant, au bout de 13h21 de course !
Quentin est là pour nous accueillir avec Vanessa. Cette dernière s’est bien défendue sur la 6D Lacs qu’elle a couru en team aussi, avec Nicolas Ferru venu en famille. Tous les 2, ils ont mis un peu moins de 5h30 de course avec de nombreux ralentissements dans des passages étroits au départ. Une belle réussite de leur part !
Le temps n’est pas à retenir. Allan, au bord de la rupture, s’est bien repris pour terminer. Nous avons vécu la course ensemble et notre petit groupe de 3 s’est bien motivé tout au long de la course pour être finisher. Jamais facile de courir en groupe quand les niveaux sont différents. Certains doivent ralentir, d’autres accélérer. Chacun doit se mettre à l’œuvre pour le groupe avance. Ce qui ne manqua pas de me rappeler ma course par équipe à Morzine, il y a 3 semaines.
A l’arrivée, le ravito est un peu plus dégarni. Les participants arrivés plus tôt ont bien consommé. Nous récupérons notre tee-shirt finisher et filons au restaurant pour manger notre repas et boire notre bière tant méritée ! Le tout est offert par les organisateurs, c’est plutôt sympa pour éviter les fringales d’après course. Chose qui m’avait manqué également sur l’Ultra à Andorre.
C’est alors que nous remontons à l’appartement. Douche, rangement des affaires, pizza !!! puis dodo réparateur ! Le lendemain, il faut tout ranger. Sur le retour, nous nous arrêtons à Aime pour profiter quelques instants encore de cette belle montagne. Cela nous remémore la course de la veille, de quoi occuper nos discussions tout au long du repas 😊 La course est assurément terminée. Tout est presque rangé, plus personne dans les rues, la ville reprend peu à peu sa routine…
Cap sur l’aéroport de Genève, quelques félicitations et remerciements pour ce week-end « cohésion » de folie et c’est à notre tour de reprendre notre routine une fois arrivés à la maison, avec un objectif de récupération pour nos corps bien entamés.
Julien